Traduction française encore en cours de correction finale. Vous pouvez lire l’original en espagnol, ainsi qu’en portugais et en anglais.
Dans les prochaines semaines, le premier volume d’un ouvrage qui se veut «exhaustif» sur l’expérience du stalinisme et les leçons stratégico-révolutionnaires qu’il a laissées pour les révolutions socialistes à venir sera publié[1].
L’édition a été reportée de quelques mois pour un certain nombre de raisons techniques, mais elle sera bientôt publiée au format pdf ouvert pour être partagée internationalement par les militants socialistes révolutionnaires et les universitaires intéressés par la tradition de Marx et Engels et celle du marxisme révolutionnaire dans son époque classique (Lénine, Trotsky, Rosa Luxemburg, Gramsci et Rakovsky).
Il s’agira évidemment d’une approche critique qui, en plus de nos classiques et d’auteurs marxistes contemporains que nous ne nommerons pas ici, vise à sauver les contributions de marxistes anti-staliniens «oubliés» tels que Christian Rakovsky, Karl Korsch, Hal Draper, Karel Kosic, Pierre Naville, Raya Dunayevskaya, Moshe Lewin, Victor Serge, Tony Cliff, Ernest Mandel, Nahuel Moreno, Ernst Bloch, George Breitman, Daniel Guérin, Agnes Heller, Evald Ilienkov, Roland Lew, Karol Modezelewski, Maximilien Rubel, Leon Sedov, Lucio Colletti, Cornelius Castoriadis, Tamás Krausz, et même des écrivains comme Panait Istrati, André Guide, Vasili Grossman et d’autres. Des intellectuels marxistes et révolutionnaires qui ne figurent généralement pas dans les académies, ni même dans les maisons d’édition marxistes d’Amérique latine. [2]Sur la base du travail de quelque 120 auteurs et de l’expérience pratique et historique des révolutions d’après-guerre, ainsi que du militantisme révolutionnaire quotidien des quarante dernières années (national et international), principalement au sein de la classe ouvrière et de la jeunesse, nous avons produit cet ouvrage.[3]
Il s’agit d’un ouvrage en deux volumes, dont le premier traite de manière générale des problèmes de l’État en transition et le second des problèmes de l’économie de la transition socialiste.
Notre premier volume sera publié dans les prochaines semaines en format numérique et bientôt en espagnol, portugais, anglais et français.
Sans plus attendre, nous vous laissons avec le chapitre introductif du premier volume de notre travail.
1- Marx et le stalinisme
La théorie de l’Etat chez Marx et Engels est fondamentale pour revenir sur le bilan du stalinisme. Il y a deux façons d’aborder cette théorie qui, comme on le sait, n’a pas été systématisée par nos classiques.
La première est liée à l’approche théorique de la question, notamment chez Marx. Il est un fait que, théoriquement et historiquement, cette approche s’est de plus en plus enrichie, révélant plusieurs angles : le problème de la séparation entre l’Etat et la société, la question du caractère de classe de l’Etat bourgeois comme «junte qui administre les intérêts communs des capitalistes», le problème de l’appareil d’Etat et du «gouvernement au rabais» que l’expérience de la Commune de Paris avait soulevé, le caractère parasitaire de l’Etat, dénoncé par Marx sous Louis Bonaparte comme suçant le sang de la société, etc…, [4]des angles d’approche complémentaires.
En résumé, les deux aspects dominants de l’élaboration classique de l’État, complémentaires mais non identiques, sont, d’une part, le caractère de classe de tout État, c’est-à-dire une institution aux mains de la classe ou de la couche dominante pour tenir en échec les exploités et les opprimés, comme c’est le cas de l’État capitaliste ou de la dictature du prolétariat, par laquelle la classe ouvrière exerce le pouvoir à l’exclusion de la bourgeoisie (les droits de propriété de cette dernière lui sont retirés, de même que la citoyenneté). Et d’autre part, fondamental pour la transition en ce qui concerne la classe ouvrière elle-même, il y a le problème du caractère distinct de l’État par rapport à la société exploitée et opprimée, par exemple sous le capitalisme, où l’État apparaît comme une abstraction censée représenter l’ensemble de la société (l’abstraction du citoyen par rapport à la personne privée dans la société civile), ou dans l’État ouvrier, dans la dictature du prolétariat, avec le danger d’une bureaucratie remplaçant la classe ouvrière dans l’exercice du pouvoir.[5]
Cette dernière problématique est centrale dans l’approche de la transition socialiste, car si dans les approches traditionnelles la dictature du prolétariat est une forme de domination de classe par rapport aux anciennes classes dominantes, on ne souligne pas assez que, par rapport à la classe ouvrière elle-même, les formes séparées d’État sont le symptôme que quelque chose ne va pas dans la transition (Trotsky, chapitre III de La Révolution trahie). L’État n’est pas résorbé dans la société, mais c’est le contraire qui est vrai : de manière exagérée, la société est «étatisée» (ce n’est pas par hasard que Trotsky a fait remarquer que, contrairement à Louis XIV, qui affirmait «Je suis l’État», Staline semblait affirmer «Je suis la société»). Dans notre travail, nous développerons en détail la problématique de l’étatisation des catégories de l’économie politique et même de l’étatisation de bien d’autres instances du social dans l’État bureaucratique (ce qui n’est pas la même chose que de passer à la catégorie du totalitarisme, dépourvue de nuances).
Au-delà de ce qui précède, et des divers biais que l’on trouve dans le marxisme classique à propos de l’État, on peut dire que la théorisation la plus développée de l’État se trouve chez le jeune Marx : dans La question juive (1844), dans l’Introduction à la critique de la philosophie de l’État de Hegel (1843), et surtout, brillamment, dans la Critique de la philosophie de l’État de Hegel (1843), un texte majeur et injustement peu parcouru.
La critique de Hegel porte sur divers aspects théoriques et méthodologiques de l’Etat. Marx avait en tête une «double critique» de l’Etat prussien tel qu’il se présentait au début du 19ème siècle, ainsi que de la conception de Hegel sur cet Etat, conception que, paradoxalement, Marx considérait comme une approche novatrice (une analyse non conservatrice ; le positionnement politique de Hegel par rapport à cet Etat était une autre question). Cette approche moderne rendait compte de certains traits généraux de l’État capitaliste émergent, avec sa division caractéristique entre l’État et l’économie, sa particularité générale d'»abstraction politique», c’est-à-dire la séparation entre l’individu dans sa capacité économique au sein de la société civile et le citoyen au niveau de la sphère politique, la problématique de la bureaucratie d’État, etc.
Cette séparation caractéristique de l’État et de la société exploitée et opprimée sous le capitalisme conduit d’ailleurs à une réflexion sur la nécessité d’y mettre fin : l’État cesse d’être une forme distincte et tend donc à sa propre dissolution, un aspect éclairant pour la transition socialiste.
Marx fait une critique méthodologique de Hegel dans le sens de l’inversion du sujet et du prédicat chez ce dernier. [6]Chez Hegel, l’État est le sujet des relations sociales, et la société civile et la famille en sont les prédicats, et non l’inverse, comme c’est le cas dans la réalité : l’État est un sous-produit de la société qui est irrémédiablement empêtrée dans les contradictions sociales et de classe qui le rendent nécessaire .
Il ne fait aucun doute que, dans le même temps, l’État réagit sur la société, un aspect important pour comprendre les expériences anticapitalistes du siècle dernier.
En gardant à l’esprit le problème de la séparation entre l’État et la société, Marx fait des remarques pertinentes, comme lorsqu’il affirme que «la démocratie est à la fois une forme et un contenu». Qu’entend-il par là ? Que lorsque la société est présente dans l’État, lorsque ce que l’État représente est la société elle-même, lorsque les deux termes sont mis sur un pied d’égalité, l’État perd sa nécessité ; son existence devient superflue : il cesse d’être une forme distincte, se liquidant lui-même en tant qu’État.
Marx fait des remarques acerbes sur la bureaucratie prussienne et la bureaucratie en général lorsqu’il dit qu’elle est un «tissu d’illusions pratiques». Cela renvoie à l’idée que la bureaucratie n’a pas d’autre choix que d’administrer les personnes réelles et la société de chair et de sang en dehors d’elle, dans la société civile. Les problèmes de la bureaucratie ne seraient pas les siens, pour ainsi dire, mais les questions matérielles inscrites dans les relations sociales, que la bureaucratie soumet à son formalisme, à son administration. Dans Le Nouveau Cours, Trotsky reprend cette idée en soulignant que la bureaucratie est l’administration des personnes et des choses.
La bureaucratie est donc l’expression politique et étatique des corporations de la société civile. Mais, paradoxalement, la bureaucratie, sous-produit des corporations, se transforme en corporation et commence à les affronter ; elle commence à affirmer ses propres intérêts.
Marx introduit ici l’idée que la bureaucratie a l’État comme propriété privée, concept repris par Rakovsky pour comprendre le processus de bureaucratisation en URSS : la bureaucratie tend à se donner des fondements dans la société. Et Marx joue dans sa critique de Hegel avec l’idée dialectique que toute conséquence lutte contre ses causes, revient sur elles. Pour nous, cette idée est essentielle pour comprendre que la bureaucratie n’est pas dans tous les cas simplement le personnel d’une classe sociale fondamentale.
Marx conclut sa critique de Hegel en abordant le sujet de l’entail estate, une forme absolue de propriété privée qui outrepasse les lois du marché. Une forme extrême de propriété privée, parce qu’elle est caractérisée comme une forme absolue de propriété, bien que la propriété privée capitaliste n’ait pas de restrictions à l’achat et à la vente au-delà de la volonté des propriétaires. Dans le cas présent, ce n’est pas le cas : le droit de propriété est établi pour empêcher la subdivision des terres et, en ce sens, il ne découle pas du marché libre. En vertu d’un mandat institutionnel, la propriété de la terre doit revenir au premier né de sexe masculin.
La réflexion de Marx est que cette forme de propriété s’impose au-delà de la volonté des êtres humains : il y a une inversion totale des rapports sociaux où les choses, la propriété privée de la terre avec sa logique propre contre la subdivision territoriale, s’impose aux désirs ou à la volonté des gens ; une autre forme de fétichisme, d’inversion des rapports réels. C’est ce qui a entraîné l’entaillement : la terre était invariablement donnée au premier enfant mâle. Il faut savoir que l’emphytéose est une forme de propriété privée précapitaliste, car elle introduit un critère qui empêche le libre fonctionnement du marché.
La théorie de Marx sur l’État et la bureaucratie, son développement dans le dos de la société et, en opposition, l’engagement radical-démocratique-socialiste pour une prise en charge de la société par elle-même, tendent à la disparition de l’État en tant que tel après le passage par la dictature du prolétariat ; ils laissent des éléments essentiels pour une approche critique de l’expérience du vingtième siècle.
Passons maintenant au volet plus classique mais non moins important de la théorie marxiste de l’État : le caractère de classe de l’État, le fait que l’État soit celui de la classe dominante, une «superstructure» dérivant de la structure de classe de la société. La classe dominante dans les rapports de production est dominante dans l’Etat. Sa fonction générale est d’assurer la reproduction de ces rapports de production et, dans le cas du capitalisme, d’assurer les conditions générales de cette reproduction : les forces répressives et les lois qui la rendent possible, ainsi que les formes de domination politique et les investissements dans des infrastructures trop coûteuses pour être entreprises par des capitalistes individuels (Marx donne l’exemple des chemins de fer dans le premier volume du Capital, un énorme travail d’infrastructure à son époque ; il introduit le concept de «conditions générales de l’accumulation capitaliste» pour se référer à ce type de travail).
Le caractère de classe de l’Etat est lié à un autre aspect de l’Etat ou du semi-Etat prolétarien dans la transition, celui de la dictature prolétarienne en tant que dictature de classe. L’État prolétarien, la dictature prolétarienne, pris ici comme synonymes – nous verrons dans notre travail que cette assimilation entraîne sa complexité – est la dictature de la classe ouvrière une fois que les capitalistes ont été expropriés. La classe ouvrière est censée dominer au niveau de l’Etat et dominer au niveau de la production.
Tous ces développements sont devenus complexes. Et avec la bureaucratisation de la révolution, la bureaucratie a cessé de dépendre de la classe ouvrière. L’État a été décaractérisé et est revenu à la structure sociale elle-même, liquidant, à notre avis, le caractère ouvrier de l’État.
Quoi qu’il en soit, ce qui nous intéresse ici, c’est que les deux approches de l’État, l’État comme séparé de la société et l’État comme expression de la classe économiquement et socialement dominante, se complètent dans l’approche marxiste de l’État et sont des outils à utiliser de manière subtile et non mécaniste – contrairement au mécanisme avec lequel ils ont été utilisés dans de nombreux cas – pour évaluer les leçons des expériences non capitalistes du siècle dernier.
La théorie marxiste de l’État a d’autres facettes ou angles complémentaires que nous développerons dans notre travail. Mais ce sont les deux aspects théoriques les plus classiques qu’il faut mettre en œuvre pour comprendre le processus de transition et les leçons du siècle dernier.
Comme deuxième plan d’approche, il y a les éléments concrets-historiques de l’État, et même anthropologiques. Cet angle a plusieurs jalons dans l’œuvre marxiste, comme Le 18e Brumaire de Louis Bonaparte, La lutte des classes en France, Révolution et contre-révolution en Allemagne, La guerre civile en France et les textes d’anthropologie historique de Marx et Engels en relation avec les sociétés communautaires. [7]C’est le cas du précieux texte engelsien L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État (1884) et des Notes ethnologiques de Marx (1881-83), extrêmement riches et auxquelles Marx a consacré d’énormes énergies dans les dernières années de sa vie, ainsi que des notes tout aussi riches des Grundrisse, des Formes préalables à la production capitaliste (1857-58) et même des notes anthropologiques faites par Marx et Engels dans le premier chapitre de L’idéologie allemande (1846). Il s’agit de textes d’inscription inégale dans lesquels est abordée la problématique des différents rapports de production et des états historiques : les différents types d’états et leurs divers rapports à l’économie.
C’est précisément ce que nous voulons souligner dans cette note introductive : l’approche de l’Etat par Marx et Engels est une approche historique d’une institution vouée à la disparition, une institution historique qui a subi des modifications concomitantes aux différentes formations économico-sociales qui ont marqué l’expérience humaine. Un Etat qui, abordé de manière concrète, c’est-à-dire historique, a des formes diverses en fonction de la transformation des rapports sociaux et des modes de production. [8]Un état qui n’existait pas dans les formes communautaires antérieures d’organisation humaine.[9]
En guise de digression, signalons que le concept de mode de production est de toute façon un concept stylisé, une sorte de «type idéal» wébérien. [10]C’est pourquoi nous préférons utiliser le concept de formation socio-économique pour l’analyse des sociétés en transition ou en transition bloquée du siècle dernier. Ce dernier concept permet d’aller à l’objet concret-historique que l’abstraction du mode de production laisse de côté. [11]Ce dernier «modèle» reste, répétons-le, un «type idéal» : il n’y a pas de «mode de production» en dehors des traits caractéristiques communs aux diverses formations économico-sociales d’un même type.
Cet angle est important pour une approche critique des expériences non capitalistes du siècle dernier, pour comprendre qu’il n’y a pas qu’un seul type d’État – les États de classe proprement dits – mais aussi proprement des «formes bureaucratiques d’État» comme l’État «asiatique» (en réalité sa portée était universelle) et les États bureaucratiques non capitalistes du siècle dernier, [12]de même que, dans la perspective du communisme, des sociétés sans État et sans classes sociales exploitantes peuvent aussi exister – ont existé historiquement – (Rosa Luxemburg a été la seule socialiste révolutionnaire de l’âge d’or à se préoccuper de cette question, dans Introduction à l’économie politique).
Au total, l’approche historique de l’État et des classes sociales montre qu’il n’y a rien de rigide ou de schématique dans leur évolution. Toute approche doit être historiquement concrète, loin de tout mécanisme.
2- La bureaucratisation, un phénomène inattendu
Les apories des circonstances de la révolution russe ont surpris ses acteurs. Lénine et Trotsky étaient pleinement conscients que sans l’extension de la révolution, dans une Russie isolée, les développements seraient complexes et qu’il serait extrêmement difficile, voire impossible, d’aller dans une direction socialiste. [13]Le développement inégal et combiné d’une révolution dans une Russie tsariste relativement arriérée, tout comme il avait rendu la révolution possible, posait des contradictions dramatiques pour la transition socialiste.
Mais c’est une chose de le comprendre intellectuellement et une autre de le comprendre pratiquement, dans l’expérience. La guerre civile déclarée par les puissances impérialistes en collusion avec la Russie blanche a clairement montré les difficultés multipliées quant à la réalisation de la révolution elle-même, de sa promesse émancipatrice.
Ces difficultés tournent autour de la définition du type d’État qui se met en place. Dans un premier temps, pendant ce que l’on a appelé le «communisme de guerre», les bolcheviks dans leur ensemble, y compris Lénine, ont cru qu’ils passaient pour ainsi dire «directement» au socialisme….
L’économie monétaire avait pratiquement disparu, et si aucune économie réelle n’était apparue à sa place, il s’agissait en fait d’une désaccumulation due à l’épuisement de toutes les ressources de la nation au service du front de guerre ; il n’y avait pas de reproduction simple, et encore moins élargie, du capital existant. Cela a été mal interprété dans le sens d’un prétendu passage direct, largement fantaisiste, au «socialisme» sur la base de la frugalité dans une situation où toutes les ressources économiques et humaines étaient mises au service de la guerre civile.[14]
D’où la difficulté de définir la Russie révolutionnaire, l’État qui se mettait en place. Le débat sur les syndicats, à la fin des années 1920, a été l’occasion d’un débat sur la reconstruction du pays. La guerre civile s’achevait et le débat sur la reconstruction du pays commençait. Trotski évoque au début de l’année un retour à l’échange commercial, une idée qui ne semble pas convaincante à l’époque (Lénine la reprendra presque mot pour mot un an plus tard).
Dans une volte-face, préoccupé avant tout par le sort à réserver au personnel démobilisé de l’Armée rouge, et compte tenu de son expérience du rétablissement du système ferroviaire grâce à l’Armée rouge, Trotsky eut l’idée de proposer la militarisation de la main-d’oeuvre au service de la reconstruction économique.
[15]Une expression de cette idée se trouve dans un ouvrage polémique contre Kautsky, Communisme et Terrorisme, dont une partie réfute correctement le démocratisme endoctriné de Kautsky, qui oppose les mécanismes formels de la démocratie bourgeoise aux lois implacables de la guerre civile, mais dont l’autre partie postule à tort la militarisation du travail.
Ces positions ont été combinées avec le débat spécifique sur le rôle des syndicats dans la transition socialiste, en particulier à ce stade du développement de la Russie soviétique. Il en est résulté un débat particulièrement instructif pour l’objet du présent travail.
Lénine défendait la permanence des syndicats dans leur fonction fondamentale de défense des intérêts de la classe ouvrière, une fonction similaire à celle du capitalisme, à laquelle Trotsky et Boukharine opposaient une fonction davantage de «courroie de transmission» du commandement économique national : l’idée des syndicats comme «école du travail».
Lorsque Lénine insiste sur l’idée que les syndicats doivent être l’outil des travailleurs pour se défendre contre leur propre État, Boukharine lui demande pourquoi les syndicats seraient nécessaires dans leur rôle traditionnel si la Russie soviétique était un «État ouvrier».[16]
Le fait est que, dans le feu du débat, Lénine a répondu à Boukharine qu’en réalité nous n’avions pas affaire à un État ouvrier en tant que tel, mais à un «État ouvrier avec des déformations bureaucratiques» (R. Sáenz, «El Estado soviético según Lenin», 1993, mimeo).
Cela dit, Lénine ajoutait qu’en tant qu’Etat ouvrier, c’est-à-dire bureaucratiquement déformé, les syndicats restaient nécessaires pour défendre les droits immédiats des travailleurs, ce qui signifiait en même temps qu’il considérait non seulement comme une erreur mais comme une aberration le projet de militarisation de la classe ouvrière, base sociale de la dictature prolétarienne qui régnait dans le pays. La militarisation du travail s’opposait au sommet à la nécessaire démocratie ouvrière dans la gestion de la dictature du prolétariat, gestion qui ne peut être une tête sans corps ou un corps sans tête : la dictature du prolétariat ne peut s’exercer durablement sans l’exercice, même minimal, de la démocratie ouvrière. La forme et le contenu tendent à se superposer, ce qui signifie que l’État ou le semi-État prolétarien doit tendre à se superposer à la société exploitée et opprimée. Et cela n’est pas possible si la classe ouvrière est militarisée dans le travail, soumise à la discipline militaire, aux ordres et non à la démocratie de base.
En tout cas, le débat syndical a formalisé, en quelque sorte, l’idée que la dictature du prolétariat accumulait les déformations, et que ces déformations – produit de l’isolement de la révolution, de l’héritage économique et culturel arriéré de l’empire tsariste, et les destructions de la guerre mondiale et de la guerre civile combinées – prenaient la forme d’une déformation bureaucratique, d’une «gestion administrative» par le haut de tout ce que la société exploitée et opprimée ne pouvait pas prendre en main, d’un arbitrage sur un corps social marqué par les inégalités.
Le développement de cette discussion – qui fut d’ailleurs mal résolue lors du 10e congrès du parti bolchevique en mars 1921, alors que le débat sur les syndicats avait expiré et que le parti devait faire face au soulèvement de la garnison de Cronstadt – marqua, avec le tournant vers la NEP, la reconnaissance officielle que quelque chose ne tournait pas rond. [17]La «résistance matérielle», le poids supplémentaire d’éléments conservateurs sur la base de conditions objectives rétrogrades, a fait des ravages sur le caractère de l’État révolutionnaire, en le déformant.
Il est désormais clair que l’élément inédit qui s’est glissé dans la révolution a été le processus de bureaucratisation de la révolution. Le phénomène de la bureaucratisation du mouvement ouvrier avait des précédents, même s’il est vrai qu’il s’agit d’une nouveauté historique, car ce n’est qu’en 1914, avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, que Lénine a pu apprécier le degré de pourriture national-bureaucratique auquel la social-démocratie allemande était parvenue. Lénine a reconnu à Rosa Luxemburg qu’elle avait été un aigle à cet égard. Mais une autre question était celle de la bureaucratisation de la révolution prolétarienne, une chose peut-être inconcevable. Aujourd’hui, nous l’avons naturalisée, mais en temps réel, c’était un véritable casse-tête : un phénomène sans précédent avec lequel il était difficile – et dangereux pour la vie – de se mesurer.
Le phénomène était nouveau dans la mesure où ce n’est que quelques années auparavant que l’analyse et la compréhension de ce qui se passait – la montée du réformisme – avaient commencé à se répandre. Des ouvrages de sociologues bourgeois «socialistes» comme Les partis politiques de Robert Michels ont anticipé sur ce point, mais avec le mécanicisme caractéristique d’énoncer une sorte de «loi d’airain de l’oligarchie» concernant la bureaucratisation des partis politiques par leur direction, qui n’est pas réelle.
Mais si ce phénomène a commencé à être apprécié à partir du millerandisme (par le président français Millerand, du PS, dans les années 1920, qui avait déjà été ministre dans un cabinet bourgeois à la fin du XIXe siècle), l’idée que la dictature du prolétariat pouvait être bureaucratisée avait une autre densité historique.
Le débat sur le caractère de la Russie soviétique en a entraîné un autre, bien plus dramatique : le débat sur le caractère de la bureaucratie. Au début, personne ne parlait de la bureaucratie en tant que couche sociale spécifique, mais plutôt du «bureaucratisme» qui commençait à prévaloir dans les institutions soviétiques. Ce concept faisait allusion à la «paperasserie», à la négligence et à la léthargie avec lesquelles les affaires sociales étaient considérées dans les rangs de l’État. [18]Mais il n’était pas encore perçu comme l’émergence d’une nouvelle couche sociale, un phénomène sans précédent comme nous le soulignons ; il est extrêmement difficile de se mesurer à des phénomènes originaux…
3- Bureaucratie et propriété nationalisée
Mais toute une série de causes ont conduit à un énorme déséquilibre : la croissance de la fonction publique d’État a été explosive, et son multiplicateur monumental (Broué, Marie et Lewin). Le pouvoir soviétique avait commencé avec un personnel réduit, mais l’Etat devait remplacer et prendre en charge des tâches que l’économie privée accomplissait ou que les masses elles-mêmes commençaient à peine à prendre en charge avec les agences soviétiques rapidement vidées. [19]C’est ainsi que les «gens de terrain», une fonction publique issue de l’activisme et non plus seulement des anciens fonctionnaires tsaristes, ont commencé à prendre en charge l’administration.
Dans les conditions de la lassitude post-révolutionnaire, de l’isolement de la révolution et de l’idée que «personne ne suivrait la Russie» après la défaite de 1923 en Allemagne ; également en raison de la tendance humaine naturelle au confort (Trotsky), et dans le contexte du retard culturel et des pénuries économiques extrêmes du pays après la révolution et la guerre civile, associés aux «dangers professionnels du pouvoir», c’est-à-dire aux difficultés d’assumer le pouvoir d’une classe sans traditions de commandement et de domination, une bureaucratie est en train d’émerger. Une bureaucratie qui s’est formée à partir des petits avantages de l’administration du pouvoir, même dans un véritable État ouvrier. [20]Et plus encore dans des conditions d’extrême pénurie générale ; des avantages que Staline encourageait par un critère de sélection négative – sélection du pire et non du meilleur, comme le dit Bensaïd – .
De ce processus émerge la bureaucratie stalinienne en tant que décantation d’une couche sociale privilégiée spécifique, que Trotsky a décrite comme quelque chose de plus qu’une simple bureaucratie et quelque chose de moins qu’une classe organique, mais que Rakovsky a définie de manière plus conceptuelle, suivant Marx dans une certaine mesure, comme une «classe politique».[21]
Dans les discussions sur le caractère de la bureaucratie stalinienne, Trotsky s’est lancé dans l’idée que la bureaucratie constituerait une «caste» (politique, ajoutons-nous, car c’est ce qu’il voulait dire), au sens d’un monopole : l’administration du pouvoir. [22]La définition de la caste vient de là : des privilèges sociaux qui découlent d’un certain rôle dans la société. Avec la définition de la caste, Trotsky a évité l’idée que la bureaucratie constituait une nouvelle classe sociale organique et historique. C’était une préoccupation légitime, mais en laissant la bureaucratie comme une sorte d'»épiphénomène social», il a supprimé toute «nécessité» du phénomène, toute implication réelle. [23]Avec cette analyse, il évitait de modifier sa définition de l’État soviétique comme un État ouvrier, même s’il ajoutait «bureaucratisé».
Rakovsky fera un pas qualitatif au-delà de Trotsky, en allant plus loin dans le phénomène bureaucratique dégénératif : il plantera le couteau plus profondément dans la réalité sociale originelle que l’Opposition de Gauche avait devant elle. Il a brillamment décrit dans «Les dangers professionnels du pouvoir» (1928) l’émergence d’une couche sociale dans laquelle, en tant que produit d’une différenciation des fonctions, une différenciation sociale sans précédent s’opérait : elle obtenait des privilèges de l’exercice du pouvoir, formant ainsi une nouvelle catégorie sociale. [24]Cette nouvelle catégorie sociale n’était pas une «bureaucratie ouvrière», mais autre chose : une couche sociale qui s’était affranchie de la classe ouvrière et avait obtenu d’autres fondements sociaux, même si ses membres provenaient souvent des différentes couches de la classe…
Rakovsky définit cette nouvelle catégorie sociale comme une classe politique, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une classe sociale comme les classes traditionnelles, c’est-à-dire avec une base économico-sociale, mais il ne la considère pas non plus comme une simple bureaucratie, un simple épiphénomène ou une «excroissance» d’un pouvoir qui reste fondamentalement un pouvoir ouvrier, mais précisément comme une «classe politique» (définition qui semble une contradiction dans les termes, mais qui ne l’est pas) : le phénomène original d’une nouvelle catégorie sociale privilégiée qui se forge à partir de son monopole du pouvoir dans une société où les moyens de production sont étatisés.
Ceci est lié au problème de la propriété dans la transition. La propriété étatique, contrairement à la propriété privée purement économique typique du capitalisme, est une forme économico-politique ou politico-économique : une catégorie sociale mixte, hybride.
Logiquement, la propriété privée est une forme juridique, une catégorie superstructurelle qui consacre au niveau du droit le monopole sur un certain bien, la possession de fait. Cependant, la propriété privée, forme absolue de la propriété dans le capitalisme, n’a pas une once de politique en elle, elle ne requiert la participation d’aucune forme politique pour sa consécration.[25]
Le problème est qu’avec la propriété nationalisée, comme son nom l’indique déjà, il se passe quelque chose de différent : puisque ce qui a été exproprié des capitalistes est la propriété de l’État, nous avons affaire à une forme politique de propriété, puisque c’est l’État qui en est propriétaire (le propriétaire de la propriété nationalisée serait le «peuple tout entier» par l’intermédiaire de l’État).
Cependant, lorsque nous parlons d’un État prolétarien ou d’un semi-État, la question se pose de savoir dans quelle mesure l’État lui-même est une représentation de la classe ouvrière. C’est en effet ce qui déterminera entre les mains de qui se trouve réellement la propriété étatisée, à quelle classe ou couche sociale elle profite : à la classe ouvrière ou à une bureaucratie parasitaire.
La clé de toute la question est de comprendre la différence entre les formes de propriété. La propriété capitaliste privée, sous la forme de sociétés anonymes ou autres, ne pose aucun problème de souveraineté ou de question politique pour l’arbitrer : les propriétaires du bien, de la société ou autre, sont ceux qui possèdent toutes les actions ou une partie d’entre elles. Point.
Mais lorsqu’il s’agit de propriété étatique, le problème est que le propriétaire collectif de la propriété étatique doit avoir une forme politique d’expression de son pouvoir. [26]Aucun travailleur n’a entre ses mains, individuellement, un titre de propriété de l’État (ce dernier est la forme coopérative, qui n’est pas la même chose que la propriété de l’État), mais les travailleurs deviennent propriétaires en tant que collectif, en tant que classe sociale, et non pas à titre privé ou individuel. Ceci étant, la bourgeoisie étant propriétaire collectivement de la propriété étatique expropriée, il doit y avoir des organes politiques pour représenter sa volonté à cette fin, les formes de démocratie socialiste qui lui permettent d’exercer son pouvoir.
Le problème est que si la volonté de la classe ouvrière est systématiquement violée, si la classe ouvrière est exploitée parce qu’elle ne contrôle pas – politiquement, et pas seulement sur le lieu de travail – le processus de production, les moyens de production et la planification économique ; si elle n’a aucun moyen d’empêcher le travail mort exprimé dans les moyens de production de dominer le travail vivant dans la journée de travail, cette propriété n’appartiendra pas au peuple tout entier mais sera le pagne de nouvelles formes d’exploitation (les formes juridiques, en tant que formes dérivées, se prêtent à ce genre de «jeux d’inversion» des relations réelles).
Puisque c’est un fait que la propriété étatisée n’a aucun moyen de s’exprimer en tant que «propriété des travailleurs» en soi parce que les travailleurs n’ont aucun moyen de la contrôler sans instances réelles de souveraineté politique, et puisque, de plus, c’est une forme politique de propriété par excellence, il est évident que si la classe ouvrière n’est pas au pouvoir, cette propriété perd son caractère de propriété des travailleurs, sa capacité à déterminer le caractère de l’État en tant qu’État des travailleurs. (Notez que l’anticapitalisme et le socialisme – dans la forme et dans le contenu aussi – ne sont pas la même chose. Nous développons ce thème en détail dans notre ouvrage).
La bureaucratie et la propriété étatisée sont en corrélation dans la mesure où les deux catégories sont économico-politiques ou économico-politiques. Trotsky avait déjà prévenu qu’entre la bureaucratie et les moyens de production étatisés, des relations sociales entièrement nouvelles tendaient à être créées, puisque cette même bureaucratie tenait l’État entre ses mains. Tout cela nous ramène au problème suivant : en fin de compte, le test du caractère réel de l’État dans la transition est de savoir si la classe ouvrière est au pouvoir ou tend de plus en plus à l’être. Le contraire est la tendance à ce que le pouvoir soit entre les mains d’une nouvelle catégorie sociale qui, en fin de compte, donne naissance à un État bureaucratique, éventuellement avec des vestiges des acquis de la révolution, se refusant à être un État ouvrier.
4- Une révolution historiquement originale
L’analyse critique des processus de transition socialiste frustrés du siècle dernier renvoie à la théorie de la révolution elle-même. Il n’y a pas de cloisons étanches entre les deux : la théorie de la révolution et la théorie de la transition socialiste sont dialectiquement liées autour de la combinaison de trois termes : les tâches posées par la révolution, les sujets sociaux et politiques qui la mènent à son terme et la manière dont ils le font.
Comme nous l’avons écrit à maintes reprises, d’un point de vue méthodologique, nous nous sommes toujours référés, pour ce débat, aux discussions fondatrices au sein de l’Opposition de gauche. Il se trouve que les discussions avec Preobrajensky sur le tournant stalinien à la fin des années 1920, ainsi que sur le caractère de la révolution chinoise, ont soulevé des aspects méthodologiques éclairants sur la spécificité de la révolution socialiste et son lien avec le processus de transition.
Plus généralement, la question renvoie à une approche génétique-historique plus processuelle liée à la nature plus consciente des processus. Marx avait souligné que les hommes font l’histoire même s’ils ne le savent pas. [27]Dans Le Capital, il avait relevé, à propos du fétichisme de la marchandise et de l’inversion du sujet et du prédicat qui semble se produire dans la production, le fameux apothème «ils ne le savent pas, mais ils le font».[28]
Cependant, dans le développement de l’histoire, et en plus des conditions objectives sur lesquelles la révolution est basée (qui posent une série de potentialités mais aussi de contraintes), le processus a eu tendance à passer de l’humanité comme pur objet du devenir objectif de l’histoire à l’acquisition d’une réactance croissante sur la réalité. Une réaction non seulement «inconsciente» mais aussi subjective, c’est-à-dire consciente.
Anthropologiquement, Marx avait souligné que la première action humaine était de se donner des conditions d’existence (manger, se vêtir, etc., L’idéologie allemande). Mais il a également souligné que, contrairement aux animaux, l’être humain se caractérise par sa capacité à se représenter le travail dans sa conscience avant de l’accomplir. L’analogie se fait avec les abeilles : elles font les nids d’abeilles les plus parfaits, mais les êtres humains ont la capacité-potentialité de se représenter le travail dans leur tête avant de l’exécuter. Le meilleur nid d’abeilles ne pourrait pas surpasser l’œuvre humaine la plus médiocre.
Et cela ne doit pas être abordé de manière anhistorique ou anthropologique, dans l’abstrait. Il existe un certain nombre de potentialités dans la figure humaine qui peuvent ou non se développer et même régresser dans des conditions barbares. [29]Le développement historique des forces productives, la capacité de l’homme à créer des outils (Marx citait l’idée de l’homme comme animal fabricant d’outils) et à réagir sur la nature, ont créé les conditions d’une activité humaine plus élevée, plus consciente et plus planifiée (ce qui ne signifie pas qu’elle ne puisse jamais échapper aux déterminations matérielles ultimes qui proviennent de la nature et de l’univers lui-même).
C’est dans ce contexte théorique et historique que s’exprime, dans la révolution socialiste, la nécessité d’une approche plus consciente de ses tâches, c’est-à-dire le besoin de liberté. Le 20ème siècle a montré qu’il n’existe pas de «révolution objectivement socialiste». Les révolutions sans classe ouvrière, dans des conditions capitalistes, peuvent tout au plus atteindre l’anticapitalisme. Mais sans la montée au pouvoir de la classe ouvrière en tant que classe historique, sans la prise de contrôle par la classe ouvrière des moyens de production étatisés, de la révolution et de la transition dans son ensemble, la transition au sens proprement socialiste est bloquée.
Ces considérations générales incluent également une réflexion sur la manière dont les choses sont faites : les relations entre les fins et les moyens, qui seront traitées dans notre travail dans une sorte de critique de la conception objectiviste de la révolution qui a prévalu au cours de la dernière période d’après-guerre dans les rangs des révolutionnaires, avec un effort simultané pour ne pas tomber dans un quelconque subjectivisme, un trait qui a caractérisé une autre série d’élaborations.
La révolution socialiste est une révolution historiquement originale. Son originalité vient du fait que sa mission historique n’est pas de consacrer une nouvelle forme de domination et d’exploitation comme les révolutions précédentes, mais d’abolir toutes les formes de domination et d’exploitation après être passée par la dictature du prolétariat et la révolution internationale.
Les conditions matérielles pour qu’il ne s’agisse pas d’une sorte de «rêve utopique» sont liées au fait que le développement des forces productives atteint par l’humanité signifie qu’il n’est plus nécessaire de compter sur l’exploitation des uns par les autres pour promouvoir le développement social, ainsi qu’au caractère politique international de notre entreprise. Bien entendu, nous ne perdons pas de vue que la transformation systématique des forces productives en forces destructrices au XXIe siècle rend les choses plus complexes. [30]Nous aborderons cette question d’actualité dans le deuxième volume.
Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire. Non seulement parce que le développement inégal et combiné montre dans chaque cas des conditions très différentes, mais aussi parce que les États et les nations contiennent différentes «couches géologiques» dans leur formation sociale qui accumulent les deux formes d’exploitation et d’oppression : les deux types de relations sont entrelacés, constituant la forme concrète de l’exploitation capitaliste. À son tour, le degré de mondialisation ou de globalisation du capital étant aujourd’hui relativement contesté, chaque société spécifique et particulière n’est qu’un «dérivé» exquis de la société mondiale capitaliste, du marché mondial capitaliste et du système mondial d’États qui lui correspond.
Les révolutions historiques précédentes pouvaient compter sur un certain «automatisme» dans leurs développements. Mais par sa mécanique même, parce que la forme politique, la dictature du prolétariat, précède la forme économique, la socialisation réelle de la production, la révolution socialiste se place sur un plan historique plus élevé que les autres révolutions : elle a l’implication consciente, la plus historiquement consciente, de ses protagonistes. «Avec l’homme, nous entrons dans l’histoire. Les animaux aussi ont une histoire, l’histoire de leur descendance et de leur évolution progressive jusqu’à leur état actuel. Mais cette histoire est faite pour eux, et dans la mesure où ils y participent, cela se fait à leur insu et sans qu’ils le veuillent. En revanche, plus l’homme s’éloigne de l’animal au sens étroit du terme, plus il fait lui-même consciemment son histoire» (Engels : 1983 : 37).
En bref, nous avons l’expression concrète des premières intuitions de Marx dans un double sens. [31]D’une part, que la classe ouvrière est «une classe de la société qui n’est pas une classe de la société», ce qui doit être interprété comme signifiant qu’il s’agit d’une classe qui ne cherche pas à établir une nouvelle domination historique mais à abolir toute domination, toute classe et toute différenciation sociale, même si pour parvenir à ses fins elle doit s’élever sur le plan politique et établir au préalable sa dictature prolétarienne – sa «dictature d’un type nouveau» (Lénine).
Et l’autre, que la classe ouvrière ne peut atteindre ses objectifs si elle est remplacée par une autre couche sociale. Il ne peut se produire dans la révolution prolétarienne ce qui s’est produit dans la révolution bourgeoise, où, à son apogée, la petite bourgeoisie jacobine radicalisée a accompli les tâches que la bourgeoisie ne voulait pas accomplir, au profit de la bourgeoisie. Dans la révolution prolétarienne – l’expérience historique du siècle dernier l’a montré – si la classe ouvrière n’est pas à la tête du pouvoir, de l’État conquis, elle dégénère en autre chose et cesse d’être l’instrument de son émancipation sociale, de son auto-émancipation (Roland Lew).
Une grande partie de l’élaboration marxiste du siècle dernier a perdu de vue ces paramètres élémentaires. Il est temps de les rétablir.
La classe ouvrière au pouvoir est ce qui donne le caractère ouvrier à l’État de transition. Tout l’effort de ce premier volume est de rétablir cette simple vérité démontrée par l’expérience historique. Car, comme Marx l’a souligné avec acuité, les vérités profondes sont simples.
Et c’est cette simplicité qui a été perdue de vue dans la deuxième période d’après-guerre dans les rangs du marxisme révolutionnaire, lorsqu’il y a eu une tendance à substituer le caractère du pouvoir, quelle classe est réellement à la tête de la dictature du prolétariat, au caractère étatique de la propriété.
La réalité est que la propriété statufiée reste «en litige». Et si ce n’est pas la classe ouvrière avec ses organisations, ses partis, etc. qui est réellement à la tête de la dictature du prolétariat, il n’y a pas de dictature du prolétariat.
Cette confusion diabolique et ce transfert de termes ont donné le vertige à la majeure partie du trotskisme dans la seconde période d’après-guerre. Logiquement, si la bourgeoisie est expropriée, la révolution ne peut être considérée que comme anticapitaliste. Mais anticapitaliste et socialiste sont des connotations différentes, qui se réfèrent non seulement à qui – quelle classe – est réellement aux commandes du pouvoir, mais aussi à la dynamique du processus. Si la dynamique n’est pas la réabsorption de toutes les formes d’inégalité, de toutes les formes d’oppression, de toutes les formes de propriété et de toutes les formes d’État, nous ne sommes tout simplement pas confrontés à une transition socialiste.
5 – L’élément jacobin du parti révolutionnaire
De l’autre côté, il y a le problème inévitable que toute nouvelle révolution socialiste sera sanglante – à un degré plus ou moins élevé selon les pays et les conditions générales – et que la dictature du prolétariat n’est pas seulement une démocratie d’un type nouveau par rapport aux masses, mais aussi une dictature de fer d’un type nouveau (de la majorité sur la minorité) par rapport aux ennemis de classe internes et externes de la révolution.[32]
Tous les enseignements stratégiques du marxisme révolutionnaire, le passage de l’action politique à l’action physique, la guerre civile comme guerre de classe par excellence, etc., questions que nous avons traitées dans d’autres textes mais qui sont un complément dialectique indispensable à cet ouvrage .
Le parti révolutionnaire, le parti qui fait les révolutions, est indispensable avant et après la prise du pouvoir. Il contient l’élément «jacobin» d’être non seulement légal mais aussi illégal, comme l’a enseigné Lénine, et se forge dans les conditions les plus extrêmes de la lutte des classes nationale et internationale, en affrontant la réaction et la contre-révolution.
Ainsi, il s’éprouve dans ces circonstances afin de s’aguerrir pour le moment où – inexorablement, au-delà des temps – viendra la révolution ; afin, dans sa maturité, de faire l’expérience de la révolution, de l’insurrection et de la conspiration pour revendiquer le pouvoir (cf. «Trotsky, l’histoire de la révolution russe et l’école de Lénine»).
Comme on le sait, l’élément jacobin et conspirateur a été transmis à Lénine par son frère aîné et par l’expérience des narodniki (populistes) en général. Logiquement, la base sociale de Lénine était le prolétariat et non la paysannerie, et il comprenait parfaitement que la révolution dans son ensemble est l’œuvre des grandes masses à partir de leurs propres formes de lutte.
Cependant, lorsque nous parlons de «l’élément jacobin» du parti révolutionnaire, nous voulons dire que le parti est la chose la moins naturelle dans le développement de la classe ouvrière. C’est là que se vérifie une innovation cruciale de Lénine par rapport à Marx (et aussi Luxemburg et Trotsky), en ce sens que la sélection nécessaire des meilleurs activistes pour la construction du parti révolutionnaire est indispensable. [33]Chez Marx, le parti était encore une idée amorphe qui semblait découler «naturellement» de la classe ouvrière (chez Marx, il y avait plusieurs conceptions de l’organisation révolutionnaire, mais c’était la conception dominante).
Pour Lénine, non. Le parti politique révolutionnaire ne naît pas naturellement de l’expérience de la classe ouvrière, qui, comme il le souligne dans Que faire ? est généralement (mais pas toujours) imposée par la conscience de la bourgeoisie.
Le parti doit être construit comme une tâche spécifique des secteurs de l’avant-garde ouvrière, étudiante et intellectuelle. Et si le militantisme ne le construit pas, personne ne le construit. En ce sens, les approches conseillistes, autonomistes et spontanéistes ont connu une réfutation retentissante au 20e siècle.
Le fait est que sans un parti socialiste révolutionnaire (ou des organisations bureaucratiques anticapitalistes), il est impossible de prendre le pouvoir.
Le parti révolutionnaire est indispensable avant, pendant et après la révolution. Le long et très dur processus de transition qui s’ouvre après la prise du pouvoir exige que les organes de l’Etat, par nature très administratifs, ne se superposent pas aux organes du parti, qui sont par nature, dans une organisation saine, des organes politiques. La lutte internationale des classes est l’horizon du parti et de l’internationale révolutionnaire ; l’Etat ouvrier n’a – dans une certaine mesure – aucun moyen d’échapper aux pressions des autres classes anciennement exploitées et opprimées dans le pays de la révolution, en plus des pressions énormes provenant des relations inter-étatiques.
Par conséquent, la définition de Lénine du parti «en tant que jacobin au sein du prolétariat», si critiquée par Luxemburg, contenait une part de vérité. Lénine ne désignait pas ici une sorte d'»élément extérieur» de la classe ouvrière, mais simplement le fait qu’au sein de la classe ouvrière il y a des éléments de différenciation, que la complexité du développement de sa subjectivité est énorme et que les éléments conscients sont appelés à jouer un rôle fondamental en liaison intime avec notre classe dans son ensemble.
C’est ce que Trotsky a dit dans son pamphlet classique «Classe, Parti et Direction» que nous citerons in extenso : «Notre auteur substitue le conditionnement dialectique du processus historique au déterminisme mécanique. D’où les digressions bon marché sur le rôle des individus, bons et mauvais. L’histoire est un processus de lutte des classes. Mais les classes ne font pas sentir tout leur poids automatiquement et simultanément. Dans le processus de lutte, les classes créent différents organes qui jouent un rôle important et indépendant, et qui sont sujets à des déformations. C’est aussi la base du rôle des personnalités dans l’histoire [par rapport au rôle des partis dans l’histoire, R.S.]. Il y a, bien sûr, des causes objectives importantes qui ont créé le régime autocratique d’Hitler, mais seuls les pédants stupides d’aujourd’hui peuvent nier le rôle historique énorme d’Hitler. L’arrivée de Lénine à Petrograd le 13 avril 1917 a permis au parti bolchevique de se retourner à temps et de mener la révolution à la victoire. Nos sages pourraient dire que si Lénine était mort (…) la révolution d’octobre se serait déroulée «exactement de la même manière». Mais ce n’est pas le cas. Lénine représentait l’un des éléments vivants du processus historique. Il incarnait l’expérience et la perspicacité de la partie la plus active du prolétariat. Son apparition opportune dans l’arène de la révolution était nécessaire pour mobiliser l’avant-garde et donner une chance à la classe ouvrière et aux masses paysannes. La direction politique aux moments cruciaux des tournants historiques peut devenir un facteur aussi décisif que le rôle du commandement suprême pendant les moments critiques d’une guerre. L’histoire n’est pas un processus automatique. Si c’était le cas, pourquoi des programmes, pourquoi des dirigeants, pourquoi des partis, pourquoi des luttes théoriques ?» (Trotsky, Bolchevisme et stalinisme, El Yunque Editora : 45-46).
Et Trotsky ajoute quelque chose d’autre : «Le ressort vital de ce processus est le parti, tout comme le ressort vital du parti est sa direction. Le rôle et la responsabilité de la direction dans une époque révolutionnaire sont énormes» (idem : 44).
Ainsi, l’expérience du siècle dernier, loin d’affaiblir l’idée du parti, en a rendu la nécessité plus évidente. Il en va tout autrement de la logique sectaire qui prévaut dans de nombreuses organisations et qui perd de vue la nécessaire relation dialectique entre le parti d’avant-garde et les courants révolutionnaires concurrents, l’avant-garde et les masses. Nous avons écrit à maintes reprises que le parti sans les masses n’est pas grand-chose et que, de même, la classe ouvrière sans l’organisation consciente du parti révolutionnaire ne parvient pas non plus à s’affirmer en tant que classe historique.
Nous développons longuement cette approche à la fin de ce premier volume. Venons-en maintenant à notre travail.
Index
Présentation
1 Introduction
1.1 Marx et le stalinisme
1.2 La bureaucratisation, un phénomène inattendu
1.3 Bureaucratie et propriété étatisée
1.4 Une révolution historiquement originale
1.5 L’élément jacobin dans le parti révolutionnaire
Partie I – État, exploitation et aliénation
2- La théorie de l’État dans le marxisme classique
2.1 L’Etat chez Marx et Engels : expression de classe et forme distincte
2.2 L’évolution historique des relations entre l’État et la société
-Critique du schéma historique unilinéaire
2.3 État et régime politique sous le capitalisme et en transition
– Dictature du prolétariat et État ouvrier : deux approches différentes du pouvoir de la classe ouvrière
– La bureaucratie : du tissu formel au tissu substantiel des relations sociales
des relations sociales
2.4 La dictature du prolétariat en tant que semi-état (Lénine)
– La « forme commune », l’égalité et le droit bourgeois
– Les soviets comme forme révolutionnaire de représentation
– Le retour de la stratification sociale
3- Aliénation, fétichisme et transition socialiste
3.1 L’aliénation
3.2 Le fétichisme
3.3 Althusser « corrige » Marx
3.4 Une liberté égalitaire
3.5 Pain et liberté
Partie II – Révolution, bureaucratie et propriété étatisée
4- L’expérience de l’URSS : de la révolution à la bureaucratisation
4.1 Un « État avec des déformations bureaucratiques » 4.2.
4.2. Un État qui ne disparaît pas
– De l’auto-exploitation à l’exploitation unilatérale
– Du pouvoir à la transformation sociale
4.3 Le « vermicelle bureaucratique ».
4.4 De la politique révolutionnaire à l’administration bureaucratique
4.5 Politique et administration ; société et bureaucratie
5- La bureaucratie en tant que « classe politique » 5.
5.1 Christian Rakovsky : une nouvelle définition pour un nouveau phénomène
– Un processus de stratification original
5.2 Une évaluation marxiste non schématique de la bureaucratie
5.3 L’étatisation des catégories de l’économie politique
5.4 Le stalinisme : un régime bureaucratique antisocialiste
6- La propriété dans la transition socialiste
6.1 La propriété en général
6.2 Excursus sur la propriété privée comme forme absolue
6.3 La propriété étatisée comme forme politico-économique
– Une forme politique de la propriété
6.4 Droit, propriété et droit de la valeur
6.5 De la domination des personnes à l’administration des choses
Partie III – La théorie de la révolution après la bureaucratisation
7- Notes méthodologiques sur la collectivisation forcée
7.1 Une « collectivisation » antisocialiste 7.2.
7.2. Les modes d’activité socialistes
7.3 Une attaque contre l’ensemble de la paysannerie
7.4 La liquidation des acquis démocratiques bourgeois
bourgeois-démocratique de la révolution
7.5 Les formes bâtardes de la propriété d’État
8- La critique des révolutions « socialistes objectives
8.1 Un phénomène inattendu
– Lénine et Hegel
– Trotsky et les enseignements méthodologiques de la révolution russe
8.2 Tâches, sujets et méthodes de la révolution socialiste
– Le marxisme n’est pas une philosophie de l’histoire
8.3 L’assimilation erronée de l’anticapitalisme et du socialisme
et le socialisme (avant et surtout après la période d’après-guerre)
Partie IV – Parti et révolution
9- La spécificité historique de la révolution socialiste
9.1 Une classe universelle (fondements généraux)
9.2 Critique et justification de la révolution française
9.3 Les révolutions anticapitalistes de l’après-guerre
9.4 Esquisse des révolutions anti-bureaucratiques en Europe de l’Est
– Révolutions politiques ou révolutions socialistes antibureaucratiques ?
– Le renouveau du marxisme
dans le feu des révolutions anti-bureaucratiques
– Le virage à droite des années 1980
10- La classe ouvrière au pouvoir
10.1 L’élévation de la classe ouvrière au rang de classe historique
10.2 La révolution en tant qu’œuvre des grandes masses
10.3. Stratégie et parti
– Le principe d’auto-émancipation
– De Marx à Lénine
– La séparation des organes du parti et de l’État
10.4 Double pouvoir, parti et « jacobinisme » dans la révolution
-Les soviets comme démocratie directe et représentation
-L’élément partisan et « jacobin » de la révolution
Bibliographie
Index onomastique
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[1] Dans diverses parties du monde, par exemple au Brésil, le stalinisme ou les courants staliniens commencent à nouveau à se développer au sein de l’avant-garde, face à la confusion qui règne quant à la perspective socialiste et même à la barbarie que représente aujourd’hui le capitalisme. Des auteurs à la mode, comme Domenico Losurdo, récemment décédé, défendent Staline et le stalinisme dans son œuvre.
Pendant ce temps, Louis Althusser, philosophe du stalinisme tardif, est toujours en vogue dans les académies, philosophe du stalinisme tardif qui se fait adouber par divers courants qui se nomment «socialistes révolutionnaires» et qui sont précisément ceux qui se demandent «à quoi sert le bilan du stalinisme» ?
[2] L’auteur de cet ouvrage, issu des classes moyennes, a travaillé plusieurs années en usine et a vécu près de vingt ans dans un quartier populaire du Grand Buenos Aires. C’était mon université.
[3] Le contexte de ce deuxième volume se trouve dans Dialéctica de la transición. Plan, mercado y democracia obrera, 2011, izquierda web, un essai qui peut être lu comme un «complément» à ce premier volume jusqu’à ce que le second volume paraisse l’année prochaine.
[4] La reconstruction de Paris entreprise par le baron von Haussmann sous le règne de Louis Bonaparte n’était pas strictement parasitaire, mais elle était controversée. La reconstruction avait un caractère de classe évident et s’est terminée par un scandale financier, ce qui n’enlève rien au fait que, d’une certaine manière, elle a embelli et donné de la magnificence à la «Ville Lumière».
[5] «A la suite de Marx et d’Engels, Lénine voit le premier trait distinctif de la révolution dans le fait qu’en expropriant les expropriateurs, elle abolit la nécessité d’un appareil bureaucratique pour dominer la société (…) En son temps, cette critique était dirigée contre les socialistes réformistes (…) ; aujourd’hui, elle est dirigée contre les idolâtres soviétiques et leur culte de l’Etat bureaucratique, qui n’a pas l’intention de s’éteindre » (Trotsky : 2008 : 55).
[6] C’est l’éducation d’Engels dans L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État lorsqu’il insiste sur le fait que l’État n’est pas un «caprice», mais un développement nécessaire à un certain stade de la société humaine.
[7] Voir notre anthropologue Engels, izquierdaweb.
[8] Il est intéressant de noter comment l’œuvre de Marx retrouve sa pertinence dans ses différentes «extensions» en fonction des circonstances historiques et politiques. Il a été souligné que, ce n’est pas une coïncidence, cela s’est produit dans les années 1950 et 1960 avec les travaux du jeune Marx sur les problèmes de la bureaucratisation des révolutions anticapitalistes. Aujourd’hui, en revanche, de nombreux chercheurs se concentrent sur l’œuvre tardive de Marx, pour ainsi dire, compte tenu de l’importance qu’il accorde à l’étude des sociétés situées en dehors de l’Occident capitaliste, de ses notes ethnologiques, de sa sensibilité écologique, etc.
[9] Il y a des caractéristiques qui constituent un mode de production particulier. Mais en réalité, chaque formation sociale concrète présente une certaine combinaison de modes de production. Ce n’est que dans sa forme pure et idéale qu’il existe un mode de production homogène.
[10] Pierre Rousset fait un constat précieux en indiquant qu’il faut cesser de considérer ces sociétés comme si elles avaient été «transitionnelles vers le socialisme» et ne les considérer que comme des «sociétés transitionnelles», un constat pour rompre avec le mécanicisme de l’environnement.
[11] Lorsque l’économiste marxiste Michel Husson parlait de «capitalisme pur» pour désigner les caractéristiques actuelles du capitalisme (remises en cause dans la nouvelle étape que nous traversons en cette troisième décennie du XXIe siècle, bien que toujours dominantes), il sous-entendait que le capitalisme néolibéral ressemble à l’idéaltype du capitalisme. Nous utilisons cet exemple pour préciser que toute formation historico-sociale concrète est «plastique» : elle a des caractéristiques qui lui sont propres et qui, en s’en abstrayant, en cherchant ce qui est commun dans la diversité des différentes formations capitalistes, aboutissent au concept de mode de production spécifiquement capitaliste dont Marx a parlé pour comprendre qu’il est déjà basé sur des mécanismes qui lui sont propres : l’exploitation économique de la main-d’œuvre salariée. C’est-à-dire une forme d’exploitation strictement économique, non fondée sur la violence ou l’appropriation par le vol pur et simple, qui caractérise l’accumulation capitaliste primitive. La problématique des formations économico-sociales et leur rapport avec le concept de mode de production sera développée dans nos travaux.
[12] Sa belle approche se termine ainsi : » La noble tradition du passé lointain a ainsi tendu la main aux efforts révolutionnaires de l’avenir » (2015 : 76). Luxemburg fait ici référence à l’importance stratégique de l’étude des communautés primitives.
[13] Les premiers chapitres de l’Histoire de la révolution russe de Trotsky sont très instructifs à cet égard et constituent une utilisation brillante des outils du matérialisme historique.
[14] Lorsque vous parlez du caractère de l’État, de l’État des travailleurs ou autre, vous pouvez déjà constater que dans la transition, ce qui définit les choses, c’est le caractère de l’État et non l’économie en tant que telle.
[15] La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky est l’ouvrage de Lénine sur le même sujet. Sans aborder la question de la militarisation du travail, Lénine et Trotsky critiquent les critères de «démocratie en général» de Kautsky, en réalité pas du tout révolutionnaire-démocratique et cent pour cent contre-révolutionnaire-bourgeois. L’analyse critique de la révolution russe par Kautsky est une œuvre de désorientation politique colossale. D’où les efforts de certains historiens marxistes comme Lars T. Lih et Paul Le Blanc pour le réhabiliter. Lih et Paul Le Blanc nous semblent mal inspirés, même s’ils apportent des éléments utiles et érudits.
[16] Comme on peut le voir, ce travail est une élaboration qui a commencé il y a trente ans. L’occasion de commencer cette recherche – outre les événements «historiques» qui ont marqué la chute du mur de Berlin – est l’expérience personnelle au sein de la classe ouvrière lorsqu’elle se demandait, dans l’environnement de l’usine et au sein du militantisme ouvrier, ce qu’il était advenu des soi-disant États «ouvriers» et quelles seraient les perspectives d’avenir.
[17] Platon, dans le Timée, indique qu’aucun «modèle» idéal ne peut être parfaitement reproduit dans la matière, et cette imperfection naturelle n’est pas artificielle, mais spécifiquement matérielle. Elle n’est pas la conséquence d’un acte pervers de la volonté, mais se trouve dans l’ordre des choses, pour reprendre les termes de Spinoza» (Antonino Infranca, Introduction à l’Ontologie de l’être social. Aliénation, de György Lukács).
[18] En effet, chaque événement a quelque chose de nouveau qu’il est difficile d’assimiler immédiatement. Stathis Kouvelakis le souligne avec acuité à propos de Lénine dans sa stupéfaction face à la capitulation de la social-démocratie allemande en 1914, à laquelle s’ajoute la nouveauté radicale du déclenchement de la Première Guerre mondiale (cf. «Lénine lecteur de Hegel. Hypothèses pour une lecture des Cahiers de Lénine sur la science de la logique»). Gramsci a donc insisté sur les dotations de la science et de l’art politique, de l’analyse et aussi de l’intuition pour procéder à des généralisations rapides (définitions). Il est vrai aussi que certaines circonstances ont des éléments communs et que, sur la base de l’étude et de l’expérience, cela nous permet de prendre position (et c’est précisément la base matérielle de l’intuition). Mais il en va autrement lorsque nous sommes confrontés à des événements tout à fait originaux, sans précédent : dans ce cas, la difficulté de réponse est beaucoup plus grande et la division dans les rangs révolutionnaires beaucoup plus facile (les doutes, les dissensions).
[19] Dans notre travail, nous reviendrons sur le concept des «praticiens», ces personnes sans formation formelle qui, en fonction des besoins, s’occupaient des affaires et acquéraient un métier et une expérience dans la gestion de l’État, ce qui était certainement typique de toute révolution dans les pays arriérés.
[20] Le concept de sélection négative est extrêmement précieux pour comprendre ce qu’implique la rupture avec les critères généraux sains : au lieu des personnes les plus dévouées, les plus conscientes de leur classe, les plus engagées dans la révolution et le socialisme, ce sont celles qui ont fait preuve d’obéissance, de docilité et de soumission en échange d’avantages matériels et autres qui ont été sélectionnées.
[21] Rakovsky avait à l’esprit une lecture plus attentive de Marx et d’Engels que Trotsky. Lénine était également extraordinairement systématique dans ses notes sur nos classiques (Marx, Engels et Hegel). L’anecdote dans laquelle Rakovsky suggère à Trotski de ne pas se réduire aux querelles quotidiennes et de revenir à l’étude des classiques afin d’avoir une vision plus complète de ce qui se passe est bien connue.
[22] Le concept de caste fait référence à un type de stratification sociale dans lequel des hiérarchies rigides sont établies, accordant des privilèges à leurs membres et rendant la mobilité sociale extrêmement difficile.
[23] Trotsky a parlé de la dégénérescence bureaucratique de la révolution. La définition était correcte. Mais le problème qui s’est posé par la suite est que le degré de cette dégénérescence est passé de la quantité à la qualité.
[24] Pour cette définition, Rakovsky s’inspire directement d’Engels : «Un débat intéressant consiste à savoir si c’est la fonction qui crée l’organe ou si c’est l’organe qui crée la fonction. Dans la société, une fonction sociale crée un organe correspondant. Rappelons ici la réflexion de Christian Rakovsky sur la bureaucratisation de l’URSS et la relation entre fonction et organe. Une ‘division du travail politique’ poussée trop loin en l’absence de protagonisme de la classe ouvrière, finit par conduire à la création d’une ‘bureaucratie d’organes’ (…) ; une réflexion aux racines engelsiennes évidentes» (cf. Engels anthropologue, izquierdaweb).
[25] Nous verrons plus loin que dans la propriété nationalisée de l’État capitaliste, l’idée qu’elle appartiendrait «à tous» est un simple «transfert de termes», car l’État reste bourgeois. En revanche, dans les Etats post-capitalistes, la propriété n’appartient réellement à tous les peuples que dans la mesure où ils sont effectivement des dictatures prolétariennes.
[26] La forme coopérative de propriété est une autre forme de propriété privée. Elle abolit le capitalisme traditionnel, en transformant la collectivité des travailleurs en propriétaires, mais non pas en tant que collectivité, mais chacun de ses membres a une part de propriété : ils sont associés dans l’unité productive transformée en coopérative (la propriété privée subsiste sous cette forme). Il est donc clair que la coopérative est une forme de propriété distincte de la propriété étatisée, où la classe ouvrière est propriétaire collectivement par l’Etat des moyens de production : elle exprime une forme de souveraineté et pas seulement de propriété. Et cela remet à sa juste place le problème de l’autogestion dans l’unité de production. Elle est progressiste dans la mesure où les travailleurs ont la maîtrise directe de l’unité de production. Mais pour que cela aille dans le sens du socialisme, deux hypothèses sont nécessaires : a) que l’unité autogérée soit considérée comme une partie de la propriété sociale totale au niveau du semi-État prolétarien, c’est-à-dire qu’elle n’abolisse pas l’instance de la dictature du prolétariat comme représentation politique collective de la classe ; et b) que, précisément pour cette raison, on n’installe pas un jeu de concurrence d’une unité productive contre l’autre, qui ne ferait que rétablir les rapports marchands et transformer l’unité autogérée en une nouvelle forme de propriété privée, la propriété coopérative.
[27] Le travail mort domine le travail vivant dans le capitalisme et dans l’État bureaucratique (Mészáros).
[28] L’histoire de l’humanité est une histoire d’auto-élévation historique monumentale (Gordon Childe). Il n’y a pas de «loi historique objective» qui ait rendu cela possible au-delà d’un processus évolutif très lent qui a donné naissance aux hominidés et à l’homo sapiens, qui, placés sous certains paramètres objectifs, ont commencé à lutter pour leur survie contre leur environnement.
[29] La priorité de l’analyse matérialiste est fondamentale pour ne jamais perdre le terrain matériel de notre action. Ce n’est qu’en saisissant ce terrain matériel que nous pouvons le transformer. C’est à partir de cet ancrage matériel que nous passons au côté actif, militant, qui est fondamental dans le marxisme. Ceci est vrai même s’il est absolument certain qu’une certaine réalité extérieure sera toujours plus grande que nous. Même s’il faut l’affirmer en rappelant que – pour le meilleur ou pour le pire, c’est toujours le socialisme ou la barbarie – la réaction de l’humanité sur la nature est un fait historique factuellement vérifiable en ce XXIe siècle, crise écologique et ère de l’anthropocène mises à part.
[30] Une problématique incontournable aujourd’hui pour envisager les problèmes de la planification socialiste et que nous n’avions pas tellement à l’esprit il y a dix ans lorsque nous avons écrit notre » Dialectique de la transition. Plan, marché et démocratie ouvrière » en 2011, texte qui sera, actualisé, au cœur de notre second volume.
[31] Ici, nous devons être très prudents car les «tensions dialectiques» varient selon les conditions actuelles de notre lutte et même depuis les étapes initiales et sanglantes de la transition socialiste jusqu’à la tension émancipatrice qu’elle doit avoir pour être telle.
[32] Nous renvoyons en ce sens à la lecture de nos textes «Revolutionary Politics as a Strategic Art» et «On Trotsky’s History of the Russian Revolution» (tous deux sur le left web).
[33] Bensaïd, «Pourquoi Marx est et n’est pas le parti», in Stratégie et Parti (1988).
Merci de nous signaler la prochaine publication, “en espagnol, ainsi qu’en portugais et en anglais”, du 1er tome de votre livre :
Le marxisme et la transition socialiste. Volume I : État, pouvoir et bureaucratie
pour que nous puissions recenser des éventuelles mentions de Castoriadis et de Socialisme ou Barbarie dans nos bibliographies / webographies.
Aussi, une question : Ce livre en plusieurs langues, est-il disponible uniquement en ligne (référence webographique) ou est-il aussi imprimé (référence bibliographique) ?
Yours in the Struggle,
David Ames Curtis
Agora International
E-MAIL: curtis@msh-paris.fr
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SKYPE: davidamescurtis
Cornelius Castoriadis/Agora International Website (abonnement gratuit/ free subscription)
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